«Souvent, pour nous attirer à notre perte,
les instruments des ténèbres nous disent des vérités;
ils nous séduisent par d'innocentes bagatelles pour nous pousser en traître aux conséquences les plus profondes."
Shakespeare, Macbeth
Jusqu’à ce que le ph*llus de nos diplomates et leur kleptomanie lui aient volé la vedette, le «vénérable» Lova Toussaint dominait les ondes. Il avait semble-t-il annoncé à l’avance ce mouvement inattendu de résistance populaire au banditisme. D’où l’intérêt général pour ses divinations.
Je ne suis certainement pas le seul à ressentir ce sentiment de méfiance envers ces soi-disant prophéties. Il y a quelque chose d’encore plus malsain dans cette avidité de media haïtiens supposés «de référence» pour ce voyeurisme spirituel qu’est la divination et pour l’occulte en général. Mais qu’est-ce qu’il peut y avoir de mauvais dans cette « connaissance » du futur surtout si elle nous fait espérer ?
On peut se poser la même question pour cette condamnation sans rémission de la Bible pour la divination. Il n’est pas évident pourquoi l’Ancien Testament semble si hostile à la divination mais l’hostilité est claire : dans le Lévitique (Ch. 20 v. 27), Dieu prescrit la mise à mort (par lapidation) de ceux qui pratiquent la divination. Pourquoi un châtiment aussi radical contre quelque chose d’apparemment si innocent ?
A cette question, le Nouveau Testament nous donne un début de réponse: ces divinations viennent du démon. La nature divine de Jésus semble être une évidence pour les démons (Luc 4, v. 41) alors que ce n’est nullement encore clair même pour les plus proches de ses propres disciples. Jésus ne semble pas impressionné par cette « connaissance » et les expulsa quand même. Dans le chapitre 16 des Actes, une jeune servante possédant un esprit de divination dont les oracles « procuraient de gros gains à ses maitres » harassait Paul. Etrangement, c’est plutôt une bonne publicité qu’elle faisait aux apôtres en criant qu’ils étaient les serviteurs de Dieu et que « ils vous annoncent une voie de salut ». Comme elle avait continué avec ces oracles « pendant plusieurs jours », Paul, excédé, l’exorcisa, ordonnant au démon de sortir d’elle au nom de Jésus. La jeune servante fut guérie mais ses maitres firent payer à Paul et à Silas cette perte de revenus : les deux furent roués de coups et jetés en prison. L’enrichissement des maitres confirme que les divinations de cette servante n’étaient pas de purs mensonges: par exemple, le « vénérable » Lova recevra certainement plus de clients lors des prochaines élections que Sœur Laura.
Le rejet de la divination que nous trouvons dans l’Ancien Testament continue donc avec le christianisme naissant, mais nous savons que ce n’est nullement parce que ces prédictions démoniaques sont mensongères : les « gros gains » ne seraient pas possibles si ce qu’elle annonçait était toujours faux. Où est le problème alors ? Pour le voir, il faut faire faire un détour par la Genèse et l’enseignement du christianisme sur la liberté des hommes.
La force du libre-arbitre (I)
Le christianisme enseigne que l’homme a été créé à l’image de Dieu et à sa ressemblance. C’est dans sa liberté, son libre arbitre dans ce cas, qu’il ressemble le plus à son créateur. Le libre-arbitre des hommes est donc quelque chose que le démon ne peut nullement contrôler. Le futur ne peut donc pas être connu de manière exacte (malgré une certaine prévisibilité) justement parce qu’un homme peut, à n’importe quel moment choisir de faire à droite alors que n’importe quel être intelligent (un démon, par exemple) l’observant, s’attendrait à ce qu’il aille à gauche. La simple décision d’un président d’aller aux toilettes à la dernière minute peut dérailler une tentative d’assassinat parfaitement planifiée. C’est ce qui explique pourquoi les prévisions des divinateurs peuvent être correctes en général mais pas de manière précise. Les assassins peuvent réajuster leurs plans mais cela augmente les chances que les services de sécurité découvrent le complot; ce qui peut obliger les assassins à tout laisser tomber. C’est la force du libre-arbitre. C’est une information à laquelle les démons (et donc les divinateurs qui colportent leurs zen au monde des hommes) n’ont pas accès. Là est la réponse à la question de M. Wendell Théodore sur l’inexactitude des divinations. Ces petits voyous de démons ne peuvent pas voir aussi large par le petit trou où ils regardent un futur que, seuls, les hommes ont le privilège de bâtir.
Ce voyeurisme, dégradant et considéré comme pervers chez les humains, est à la hauteur de ces démons. Ils ne sont capables ni de grandeur ni de sainteté : cela est réservé aux hommes. Ceux qui servent les démons servent en fait un être qui leur est inférieur et qui ne jouit nullement du privilège dont jouissent les hommes de choisir l’avenir librement.
L’hostilité de Dieu
A la question de savoir pourquoi Dieu est si hostile à la divination, nous pouvons donc répondre maintenant : elle fait paraitre aux hommes comme inéluctable ce que leur libre-arbitre peut parfaitement changer. De même que Jésus disait à ceux qu’il avait guéris «ta foi t’a sauvé», nous pouvons dire que c’est notre foi en ces divinations qui nous perdra. C’est un classique de la littérature universelle qui nous en offre la meilleure illustration : Macbeth !
Macbeth est un général du roi Duncan. Il vient de remporter une grande victoire sur les ennemis du roi quand il rencontre trois sorcières qui lui font deux « prophéties » : la première c’est qu’il deviendra Thane de Cawdor ; la deuxième c’est qu’il sera roi.
Peu de temps après, Macbeth apprend qu’il est effectivement proclamé « Thane de Cawdor ». La réalisation de la première prophétie lui donne encore plus de foi dans la deuxième. Il informe sa femme de ces prophéties et de leur accomplissement partiel. Avec l’encouragement et la complicité de sa femme (possédée, depuis qu’elle a pris connaissance des « prophéties », par une ambition rageuse et ténébreuse), il assassine le roi qui était venu passer la nuit chez lui. Macbeth accède au trône mais sa vie (et celle de sa femme) devient un enfer jusqu’à leur mort. Il gouverna dans le sang et garda le pouvoir par des trahisons répétées. Le royaume fut déstabilisé et il fallut une intervention étrangère pour rétablir l’ordre et la paix. La foi de Macbeth dans les divinations des sorcières l’avait perdu et causé des torts incalculables à tout le pays.
La force du libre-arbitre (II)
Une autre histoire d’un auteur probablement moins prestigieux (je crois l’avoir lue sur WhatsApp) illustre ce qui arrive quand les hommes acceptent la responsabilité de leur libre-arbitre : un roi à qui son astrologue avait prédit une mort prochaine se trouvait dans un chagrin qui le tuait effectivement à petit feu. Un des généraux du roi, ayant appris la cause de ce chagrin, lui demanda d’appeler l’astrologue en sa présence. L’astrologue se présenta et confirma la mort prochaine du roi. Puis, questionné par le général sur son propre futur (celui de l’astrologue), il expliqua toutes les belles choses qui devaient lui advenir. Quand il eut terminé, le général tira son épée et lui trancha la tête. Puis il expliqua au roi que si l’astrologue n’avait pas été capable de prévoir sa propre mort, on ne pouvait pas ajouter foi à ses prévisions sur la mort du roi. La santé du roi s’améliora assez vite et il vécut de longues années. C’est la foi du général dans la liberté de l’homme de choisir son destin qui sauva la vie au roi.
Notre liberté est divine
Comme le disait Louverture, le Dieu qui nous a créés nous a créés libres. Tout ce que le futur peut être, nous pouvons donc changer par notre libre action. Les prévisions des divinateurs ne deviendront vraies que si nous y ajoutons foi. Libres enfants du Dieu de la liberté, si nous prenons courageusement notre destin en main, si nous choisissons de ne pas être rebelle au meilleur de nous-mêmes et de ne pas écouter le conseil des zones ténébreuses de notre cœur, alors nous pourrons, dans les limites du possible, choisir l’avenir dont nous voulons pour nos enfants. Librement.
Si, comme Macbeth, nous commettons l’erreur de construire le futur à partir des divinations de nos «vénérables», nous finirons, comme Macbeth, dans les ténèbres. Même quand les « prophéties » de nos «vénérables» nous annoncent une bonne nouvelle, et même quand une première «prophétie» se réalise, cette «vérité» ne sert qu’à nous préparer au mensonge qui nous perdra. Avant de mourir, Macbeth comprend le piège où il s'est fait prendre et qui nous est tendu aujourd'hui :
« Maudite soit la langue qui a prononcé ces paroles, gémit-il, car elle a subjugué la meilleure partie de moi-même ! et que désormais on n'ajoute plus de foi à ces démons artificieux qui se jouent de nous par des paroles à double sens, qui tiennent leurs promesses à notre oreille en manquant à notre espoir. »
Les journalistes haïtiens qui, au mépris de toute déontologie et de toute éthique, relaient à la nation des tripotay infernaux qui ne sont même pas vérifiables, portent la responsabilité morale de cet empoisonnement du cœur des enfants de la patrie et de ses conséquences. Caveant consules… Caveant consules…